À quoi et à qui doivent servir les entreprises ?

Emmanuel Macron  a relancé le  questionnement sur la finalité de l’entreprise en déclarant vouloir « réformer profondément la philosophie de ce qu’est l’entreprise. » Une intéressante étude publiée en janvier 2018 par l’Institut de l’entreprise (IDE)  vient à point nommé pour nourrir le débat.

 

L’enquête, menée par Elabe pour l’Institut de l’entreprise (1), et intitulée « À quoi servent les entreprises ? »confirme les résultats d’autres études comme celles de « J’aime ma boîte », sur l’attachement des salariés à l’entreprise dans laquelle ils travaillent : 76% en ont une « bonne image » dont 21% une « très bonne image ».

Avec une fierté d’appartenance clairement affirmée : 71% des salariés se disent fiers d’appartenir à leur entreprise, 22% se déclarent même « très fiers ».

Plus de trois sondés sur quatre reconnaissent que l’entreprise est un lieu de formation, de création, d’innovation et de transmission. Ils sont même une courte majorité (56%) à considérer qu’elle constitue un lieu d’épanouissement personnel.

Deux priorités pour l’entreprise : ses salariés et ses clients

L’étude de l’IDE fait aussi apparaître qu’aux yeux de nos concitoyens, l’entreprise doit avant tout se préoccuper de deux catégories de personnes en particulier : ses salariés (41% des réponses), et, en deuxième position, les consommateurs/les clients (26%). 

Les Français sont réalistes : ils s’en remettent plutôt à l’Etat et aux ONG pour se préoccuper des questions environnementales…

Ainsi, lorsque l’on demande aux Français sur quels acteurs ils comptent le plus pour améliorer les choses dans la société, ils répondent d’abord largement : « les citoyens directement » (56%), puis l’État (39%), l’école (31%) et les élus locaux (26%).

De l’entreprise, ils en attendent surtout des avancées en matière de création d’emplois, d’innovation, de création de richesse, d’amélioration des conditions de travail, d’insertion des jeunes et d’employabilité, et aussi d’égalité professionnelle hommes/femmes.

Autant de domaines qui relèvent directement de la « responsabilité » entrepreneuriale.

Les sondés attendent aussi de l’entreprise qu’elle contribue à enrichir les compétences de ses salariés tout au long de la vie.

Quelles priorités ?

 

A la question « Quelles actions prioritaires pourraient mettre en œuvre/renforcer les entreprises pour améliorer les choses dans la société ? », les Français répondent dans l’ordre :

– 1. Former les salariés aux compétences de demain (72%)
– 2. Partager plus équitablement les profits entre les dirigeants, les salariés et les actionnaires (67%)
– 3. Favoriser l’insertion des jeunes dans l’entreprise (65%)
– 4. Assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (61%)
– 5. Accorder une place plus importante à leurs salariés et à leurs clients dans leurs instances de gouvernance (conseil d’administration, conseil de surveillance) (55%)

Une vision somme toute beaucoup plus réaliste que les injonctions faites par certains politiques aux entreprises…

Sur la première priorité déclarée, 40% des sondés estiment toutefois que leur entreprise ne fait pas assez pour les former. Il existe une bonne marge de progrès dans ce domaine, notamment à l’heure ou le gouvernement veut remettre à plat tout le système français de la formation professionnelle, devenu un maquis bureaucratique et tarabiscoté…

Généraliser l’intéressement des salariés aux bénéfices…

Quand on demande quel est le type d’entreprise sur lequel vous comptez le plus pour améliorer les choses dans la société, les Français répondent massivement les PME/TPE à 57% ; Les grandes entreprises ne sont créditées que de 16% des réponses.

On notera aussi que 92% des Français se disent favorables (dont 58% « très favorables ») à généraliser à toutes les entreprises les dispositifs d’intéressement et de participation.

Emmanuel Macron (alors ministre de l’Économie), en compagnie de Vincent Bolloré (à d.), inaugurant une usine de bus électriques Bolloré, en 2016, à Ergué-Gabéric dans le Finistère (Crédit photo : Ouest France)

Dans son discours-fleuve auForum de Davos, le rendez-vous des grands acteurs de la mondialisation, Emmanuel Macron a lancé l’idée d’un nouveau « contrat mondial » pour rendre le capitalisme plus juste et plus acceptable, afin de répondre à ses critiques les plus radicales et à la montée préoccupante des populismes. Le chef de l’Etat français est notamment revenu sur la nécessité d’un meilleur partage de la valeur créée par les entreprises : « En se mondialisant, le capitalisme est devenu un capitalisme de superstars et financiarisé, il faut bien le dire, la répartition de la valeur ajoutée n’est plus juste. Et donc on doit mettre en place des vrais mécanismes de partage de la valeur ajoutée. Moi je crois très profondément dans la généralisation des systèmes d’intéressement et de responsabilité sociale et environnementale.  ÉÉVous avez compris, je ne crois pas que la réponse soit dans la taxation, mais plus les entreprises généraliseront la responsabilité sociale et environnementale et donc décideront de débattre dans l’entreprise de la juste répartition des fruits de la croissance et de la réussite quand elle est là. »

Les dispositifs d’intéressement et de participation sont un des meilleurs moyens de concilier les objectifs financiers et le progrès social dans une entreprise. Ils sont encore peu mis oeuvre dans les PME de moins de 50 salariés. Et pour les entreprises plus grandes, dans lesquelles la participation aux bénéfices est obligatoire, les gouvernements successifs ont rendu ce dispositif moins attractif en alourdissant la ponction d’un « forfait social » sur les sommes distribuées aux salariés…

Dans le cadre de la préparation du projet de loi « PACTE » qui viendra devant le parlement en avril, Stanislas Guerini, député LREM de Paris et Agnès Touraine, présidente de l’Institut Français des administrateur (IFA), ont proposé de fixer l’objectif de 10% du capital des entreprises françaises détenu par leurs salariés… Ce qui constituerait un grand progrès par rapport à la situation actuelle.

J.G.

– (1) Enquête réalisée pour l’IDE par le cabinet de conseil Elabe auprès d’un échantillon représentatif de 1310 personnes, interrogées en ligne du 10 au 13 novembre 2017 dont 574 interviews conduites auprès de salariés.